Inge Lehmann, découvreuse du noyau de la Terre

Sismologue danoise, Inge Lehmann (1888 – 1993) a découvert que le centre de la Terre, alors considéré comme fluide, comprend un noyau solide.

Une élève brillante

Inge Lehmann en 1932 – photographie par Even Neuhaus

Fille d’Ida Sophie Tørsleff et d’Alfred Georg Ludvik Lehmann, psychologue à l’université, Inge Lehmann naît le 13 mai 1888 à Copenhague au Danemark. Issue d’une famille aisée et dont certains membres sont engagés pour les droits des femmes, elle bénéficie d’un enseignement de qualité dans le premier établissement mixte danois, H. Adler’s Fællesskole, fondé et dirigé par la physicienne Hanna Adler. Filles et garçons y reçoivent le même enseignement, dans les mêmes matières. Une égalité dans l’apprentissage qui lui permet d’étudier les matières scientifiques, et de s’y révéler brillante. Par la suite, sa petite sœur Harriet suivra ses traces.

Après la Fællesskole, Inge se classe première aux examens d’entrée de l’université de Copenhague, dans laquelle elle poursuit ses études en mathématiques, physique et chimie. Obtenant d’excellents résultats à ses examens, la jeune femme souhaite désormais étudier à l’étranger et intègre le Newnham College de l’université de Cambridge (Royaume-Uni). Mais Inge n’est pas préparée au fonctionnement très inégalitaire qu’elle rencontre au Newnham College : si les femmes peuvent assister au cours, elles ne peuvent pas s’inscrire et peuvent se voir refuser l’accès à des laboratoires, à des expériences, au système de tutorat, à l’encadrement par des professeurs masculins et même aux bibliothèques. Surmenée, en proie aux barrières de genre et poussée par son père à renoncer – pour des raisons financières et pour sa santé -, l’étudiante finit par rentrer à Copenhague

Une élève brillante

De retour à Copenhague, Inge Lehmann devient d’abord actuaire pour une compagnie d’assurances, un travail lui permettant de mettre à profit ses compétences en mathématiques mais qui ne la passionne pas. Elle y fait également l’expérience du sexisme, n’étant pas promue au même rythme que ses collègues. À un neveu, elle confiera plus tard : « Si tu savais le nombre d’hommes incompétents avec lesquels j’ai dû rivaliser – en vain… » (« You should know how many incompetent men I had to compete with—in vain. ») Pendant six ans, Inge se remet de son surmenage et hésite sur la direction à donner à sa vie. Devenant l’impossibilité d’obtenir un poste de direction, elle envisage de se marier, se fiance en 1917 et quitte son emploi… et finalement, un mois plus, elle rompt ses fiançailles pour reprendre ses études académiques. Elle fera le choix de rester célibataire, considérant, comme beaucoup à l’époque, qu’une carrière académique n’est pas compatible avec une vie de famille.

Inge reprend ses études à l’université de Copenhague en 1918 et passe ses examens. Son père meurt en 1921, et la scientifique doit s’assurer un revenu ; la même année, une loi garantit aux femmes un accès égal aux emplois publics, notamment à l’université. Inge travaille d’abord comme assistante du professeur Johan Frederik Steffensen, puis auprès du mathématicien Niels Erik Nörlund. D’abord affectée à des missions de secrétariat, elle insiste pour faire de la recherche et est envoyée installer des observatoires sismologiques au Danemark et au Groenland. La sismologie en est à ses débuts au Danemark, et Inge participe à son développement. En 1928, elle obtient un doctorat en géodésie. Dans la foulée, ayant enfin obtenu une chance de faire ses preuves, elle est nommée directrice du département de sismologie de l’Institut royal danois de géodésie.

Le noyau de la Terre

En tant que directrice du département de sismologie, Inge Lehmann est chargée de superviser trois observatoires sismologies, dont deux au Groenland ; elle supervise elle-même celui de Copenhague. En étudiant les données d’un puissant séisme survenu en 1929 en Nouvelle-Zélande, elle remarque que des ondes sismiques significatives sont enregistrées dans deux villes russes où elles n’étaient pas attendues, comme si leur trajectoire avait été déviée.

Au début du XXe siècle, le géologue britannique Richard Dixon Oldham a déjà déduit, également à travers l’observation de la propagation d’ondes sismiques, que le centre de la Terre est liquide. Ces nouvelles constatations amènent Inge à en déduire que les ondes ont été réfractées par une région solide au sein du noyau de la planète. En 1936, la scientifique est la première à prouver l’existence de ce noyau solide ; elle en détermine également les dimensions, et les limites entre le noyau interne solide et le noyau externe liquide, ce qui sera appelé par la suite discontinuité de Lehmann. Très rapidement, tous les spécialistes acceptent sa théorie.

Des hommages unanimes

Inge Lehmann part à la retraite et laisse son poste de directrice du département de sismologie en 1953, à l’âge de 65 ans. Mais elle n’abandonne pas la science pour autant : elle continue à faire de la recherche notamment aux États-Unis, aux côtés du géophysicien William Maurice Ewing. Elle participe au programme militaire américain Vela Uniform, avec la mise en place d’un grand réseau de sismomètres pour surveiller d’éventuels essais nucléaires.

Inge reçoit de nombreuses récompenses pour ses travaux et découvertes, dont la médaille d’or de la Société royale danoise des Sciences et des Lettres en 1965, un titre honorifique de la Royal Society londonienne en 1969, des médailles de l’Union américaine de géophysique et de la Société sismologique d’Amérique en 1977. Elle reçoit également des doctorats honorifiques de la part de l’université Columbia en 1964 et de l’Université de Copenhague en 1968. Un astéroïde et un cratère vénusien portent son nom.

Inge Lehmann meurt en février 1993 à l’âge de 104 ans, unanimement reconnue pour ses apports à la science et à la connaissance de notre planète.

Liens utiles

Page wikipédia d’Inge Lehmann
Page wikipédia d’Inge Lehmann en anglais (plus complète)
Elle a le cœur solide – Artips sciences
Inge Lehmann, la découvreuse de la graine de la Terre
Scientific woman of the week – Inge Lehmann (en français)
Intellectually gifted but inherently fragile – society’s view of female scientists as experienced by seismologist Inge Lehmann up to 1930

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