Alice Milliat, organisatrice des premiers Jeux Olympiques féminins

Nageuse, hockeyeuse et rameuse française, Alice Milliat (1884 – 1957) se consacre à la promotion du sport féminin. Elle organise notamment en 1922 les premiers Jeux Olympiques féminins.

L’amour du sport

Fille de Joséphine et Édouard Million, commerçants, Alice Milliat nait le 5 mai 1884 à Nantes. Elle n’est initialement mas férue de sport : la gymnastique qu’on enseigne alors aux filles au lycée, de manière ce qu’elle soit adaptée à ce qu’on pense de la constitution féminine, ne lui plaît pas.

C’est à Londres, où Alice s’installe à vingt ans comme préceptrice, qu’elle découvre l’aviron, et avec lui le plaisir du sport. Par la suite, elle pratiquera d’autres sports, dont le hockey, la natation et le football, mais l’aviron restera son domaine de prédilection. Elle sera, d’ailleurs, la première femme à obtenir un brevet Audax certifiant qu’elle a parcouru à la rame une distance de 80 kilomètres dans le délai imparti.

Portrait en noir et blanc d'Alice Milliat.

Premiers clubs sportifs féminins

À Londres, Alice rencontre également Joseph Milliat, nantais comme elle et employé de commerce, qu’elle épouse en 1904 mais qui meurt quatre ans plus tard. Endeuillée également par la mort de sa mère, la jeune veuve rentre en France où elle prend un poste de sténographe-interprète.

À Paris, Alice continue de pratiquer l’aviron et rejoint le Fémina Sport, un des premiers clubs sportifs féminins en France qui a ouvert en 1911. Engagée dans l’association, Alice en devient présidente en 1915 et s’emploie à diversifier les sports proposés aux adhérentes : aviron, gymnastique, natation, cyclisme, football, hockey, basketball ou encore athlétisme. Elle est en effet convaincue des bénéfices du sport pour le corps et pour l’esprit. En 1927, elle indiquera ainsi lors d’une interview : « Le sport est aussi indispensable à la jeune fille moderne que toute autre matière enseignée à l’école. Le sport développe la personnalité, donne de l’assurance et du cran, crée un esprit ‘débrouillard’. Ne sont-ce pas là des qualités que doit posséder sur le bout du doigt la jeune fille qui veut réussir dans la vie en 1927 ? » Elle cherche ainsi à le visibiliser, et à le rendre accessible au plus grand nombre.

Le sport féminin se développe pendant la Première guerre mondiale et Alice Milliat organise en 1917 un premier championnat d’athlétisme interclubs, qui connaît un certain succès. La même année, elle participe à la création de la Fédération des sociétés féminines sportives de France (FSFSF), qui rassemble plusieurs associations de sport féminin telles que Femina Sport, En Avant et Académia. Alice devient présidente de la FSFSF deux ans plus tard, et organise le premier championnat de France féminin de football FSFSF. En 1920, la première équipe de France de football féminin naît et rencontrer une sélection anglaise lors d’un match qui n’attire pas moins de 25 000 spectateurs.

Femmes et Jeux Olympiques

Très engagée pour la reconnaissance du sport féminin, Alice demande une première fois en 1919 au Comité international olympique (CIO) d’inclure des épreuves féminines d’athlétisme lors des Jeux olympiques de 1920 à Anvers, mais elle se heurte à un refus : le CIO ne prend pas la mesure de la place grandissante qu’ont conquise les femmes dans le monde sportif. Sur 2 626 athlètes participants aux JO, seules 65 sont des femmes. Et sur les 22 sports programmés, elles ne sont conviées qu’aux épreuves de tennis, natation, plongeon, voile et patinage artistique, des activités traditionnellement pratiquées par les aristocrates et réputées convenables pour les femmes. Les domaines jugés masculins, tels que l’athlétisme, la boxe, le football, la lutte ou encore le rugby leur restent obstinément fermés.

La réponse d’Alice au refus du CIO d’introduire de nouvelles épreuves féminines ne se fait pas attendre : « Malgré nos sollicitations pressantes et réitérées, le Comité olympique a toujours refusé d’adjoindre l’athlétisme féminin aux Jeux olympiques. […] Nous allons prouver que nous sommes capables de conduire nous-mêmes nos destinées. »

Après avoir organisé en 1921 un meeting d’éducation physique international et créé la Fédération sportive féminine internationale (FSFI) dont elle est devenue présidente, Alice organise ainsi en 1922 au stade Pershing à Paris les premiers Jeux olympiques féminins. 77 sportives venues de France, de Grande-Bretagne, des États-Unis, de Tchécoslovaquie, et de Suisse s’y affrontent dans des épreuves d’athlétisme devant plus de 20 000 spectateurs ; les tribunes sont pleines et refusent même du monde.

Premiers Jeux Olympiques féminins

Le CIO condamne ces jeux féminins, mais l’initiative pousse l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF) à créer une branche dédiée aux compétitions d’athlétisme féminines. Pour apaiser les esprits, l’édition suivante, organisée en Suède en 1926, se renomme en Jeux mondiaux féminins. Elle accueille cette fois-ci 100 participantes venues de neuf pays, autour d’épreuves d’athlétisme. L’initiative porte partiellement ses fruits : en 1928, pour la première fois, les Jeux Olympiques d’Amsterdam organise des épreuves d’athlétisme et de gymnastique féminines. Au grand dam de Pierre de Coubertin : à ses yeux, la participation de femmes à cette épreuve reine qu’est l’athlétisme « constitue un affront majeur à la grandeur et à la pureté originelle de cette compétition. »

Alice Milliat, elle, devient cette année-là la première femme juge lors d’épreuves d’athlétisme masculines. Mais pour elle, cette victoire est en demi-teinte : la plupart des épreuves des Jeux Olympiques restent en effet fermées aux femmes. « La participation aux JO ne peut se comprendre que si elle est totale. […], exprimera-t-elle. Une participation aussi petitement mesurée ne peut servir de propagande au sport féminin ». En outre, le CIO prend le prétexte de la chute d’une des concurrentes sur le 800 mètres, et d’une supposée fatigue de ses adversaires, pour supprimer l’épreuve.

En réaction, Alice poursuit l’organisation des Jeux mondiaux féminins, qui accueillent 270 participantes de 17 nations à Prague en 1930 et 200 participantes à Londres en 1934. Une manière également pour elle de lutter contre l’IAAF, qui tente de prendre la main sur l’athlétisme féminin quand Alice, elle, s’emploie à conserver le sport féminin aux mains de femmes. Pourtant, certaines membres de la FSFI s’opposent à Alice et veulent rejoindre l’IAAF, estimant pouvoir y gagner en crédibilité. Les débats finissent par créer des scissions internes. Aux JO de 1932, les épreuves féminines se voient réduites et plus aucune femme ne participe au jury. 

Fin de carrière

Désabusée, Alice Milliat réclame alors, purement et simplement, la suppression des épreuves féminines au profit des seuls Jeux mondiaux féminins : « La FSFI […] demande au CIO d’exclure toutes manifestations sportives féminines des JO. Le CIO doit reconnaître la FSFI comme organisme international souverain pour la continuation de ses Jeux quadriennaux dont le cadre devrait être élargi pour admettre les sports féminins ayant figuré aux JO et ceux susceptibles d’être adjoints. […] La FSFI constate que le CIO a tendance à restreindre de plus en plus la participation féminine aux JO dans tous les domaines. Dans ces conditions, elle estime qu’il lui appartient de reprendre l’idée d’organiser des Jeux féminins mondiaux comportant toutes les genres d’activité sportive féminine… »

Alice n’obtient pas gain de cause. Malade et lassée des attaques virulentes qu’elle subit dans la presse et dans son propre camp, elle quitte ses fonctions à la FSFI et se retire du monde du sport en 1935. Par la suite, elle travaille comme secrétaire ou interprète et meurt dans l’anonymat en 1957. Aujourd’hui, la Fondation Alice Milliat s’emploie toujours à promouvoir le sport féminin, à travers l’organisation d’événements et d’actions en faveur de l’égalité, la mixité et l’inclusion par le sport. Une statue à son effigie a été érigée dans le hall du Comité national olympique et sportif français à Paris… à côté de celle de Pierre de Coubertin, à qui elle s’est opposée toute sa vie.

Liens utiles

Page wikipedia d’Alice Milliat
Fondation Alice Milliat
Qui est Alice Milliat, la pionnière du sport féminin aux Jeux olympiques ?
« Une femme libre » : il y a 100 ans, la Française Alice Milliat créait les Jeux Olympiques féminins

2 commentaires sur “Alice Milliat, organisatrice des premiers Jeux Olympiques féminins

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