Kimpa Vita, prophétesse

Kimpa Vita, aussi connue sous le nom de Kimpa Mvita, de Dona Beatriz ou de Beatriz du Congo (entre 1684 et 1686 – 1706) est une prophétesse kongo et la fondatrice d’un courant religieux et politique, le mouvement antonianiste.

Une noble kongo

Cette photographie montre un pendentif représentant la Vierge, œuvre d'art de la cultre Kongo (18e siècle).

Pendentif représentant la Vierge, culture kongo, 18e siècle

Kimpa Vita naît entre 1684 et 1686 au sein d’une famille noble du royaume du Kongo (en actuel Angola). Enfant, elle est baptisée et reçoit le nom chrétien de Dona Beatriz. À l’époque, une grande partie du peuple kongo est en effet catholique. Des missionnaires portugais se sont installés dans la région à la fin du XVe siècle et, dès 1491, le manikongo (chef politique) Nzinga a Nkuvu se convertit et prend le nom de Jean Ier du Kongo.

Au XVIe siècle, les relations entre le Portugal et le royaume du Kongo s’enveniment. Le Portugal se lance dans le commerce des esclaves, traite directement avec les vassaux du manikongo et affaiblissent son pouvoir. En parallèle, des conflits avec des peuples voisins forcent en 1568 le manikongo Alvaro Ier à demander le soutien du Portugal, qui affermit son emprise sur la région. En 1665, des colons portugais montent une expédition militaire pour s’accaparer les mines du royaume. L’armée du Kongo est défaite et le manikongo Antoine Ier est décapité, mais les colons portugais n’ont pas les forces suffisantes pour occuper le pays et le royaume du Kongo subsiste.

Kimpa Vita grandit ainsi dans un Kongo affaibli, divisé par les rivalités entre prétendants au trône, menacé par des conflits avec le Portugal comme avec des peuples voisins.

Nganda marinda

Dès l’adolescence, Kimpa Vita rapporte des visions et fait preuve d’une affinité particulière pour la vie spirituelle. Elle est considérée comme nganga marinda, une personne capable de communiquer avec le monde des esprits et de servir d’intermédiaire entre les humains et l’univers spirituel. Elle est initiée au culte kimpasi, qui mène des cérémonies d’exorcisme.

Au début des années 1700, Kimpa Vita se rapproche de la religion catholique. Comme beaucoup, dans ce royaume du Kongo déchiré par les luttes internes, elle est influencée par Appolonia Mafuta, une prophétesse âgée qui dit avoir reçu une vision de la Vierge Marie et annonce que Dieu va punir le royaume. En 1704, à l’issue d’une maladie, Kimpa Vita dit avoir reçu des visions d’Antoine de Padoue, saint de l’église catholique du XIIIe siècle. D’après elle, elle est morte et l’esprit d’Antoine de Padoue s’est incarné en elle. À son tour, elle annonce que Dieu punira le peuple du royaume du Kongo, s’il n’est pas réunifié autour de son ancienne capitale abandonnée São Salvador du Congo (aujourd’hui Mbanza-Kongo).

Le mouvement antonianiste

Kimpa Vita prêche son message religieux mais également politique. Ancrant le récit biblique au cœur du royaume du Kongo, dont elle revendique haut et fort l’unité et l’indépendance, elle soutient que Jésus et ses disciples, notamment, sont originaires du Kongo. Elle reconnaît l’autorité du pape, mais fait preuve d’hostilité envers les missionnaires chrétiens européens, qu’elle souhaite expulser. Elle adapte la prière Salve Regina en Salve Antoniana, qui enseigne que Dieu ne se préoccupe pas des sacrements mais seulement des intentions de ses fidèles. Son mouvement syncrétique, mêlant spiritualité kongo et religion catholique, est appelée antonianisme ; Kimpa en est la fondatrice aussi bien que la cheffe de file.

Kimpa Vita approche le roi Pierre IV Alphonse du Kongo, roi de Kibangu, et son rival pour le trône du Kongo João II Nzuzi a Ntamba, mais les deux gardent leur distance avec elle. Elle rallie pourtant de nombreux fidèles, y compris parmi la noblesse kongo et notamment Hipolyta, la propre épouse de Pierre IV qui abandonne son mari pour rejoindre la prophétesse. Avec ses adeptes, Kimpa s’installe dans la capitale abandonnée São Salvador du Congo, au sein des ruines de l’ancienne cathédrale. Elle y bâtit ses quartiers, assemble autour d’elle des milliers de personnes et envoie des missionnaires porter ses prophéties.

Hérétique

Pendant que Kimpa Vita développe son mouvement, Pierre IV du Kongo cherche à se faire couronner manikongo. Dans sa quête du trône, il veut prendre possession de l’ancienne capitale et y envoie son capitaine-général Pedro Constantinho da Silva, oncle d’Hipolyta et membre de la famille royale. Mais, arrivé à São Salvador, Pedro rejoint les antonianistes et se proclame roi.

Furieux de cette trahison et inquiet de l’influence montante de Kimpa Vita, Pierre IV décide de la faire arrêter. En 1706, alors qu’elle vient de donner naissance à un enfant, la prophétesse est arrêtée ; sa nouvelle maternité apporte de l’eau au moulin de ses détracteurs, brisant son image de virginité. Accusée d’être une hérétique, dont les enseignements vont à l’encontre de ceux de l’Église catholique, et d’être une ennemie du roi, elle est condamnée par un tribunal civil épaulé de deux missionnaires portugais. En juillet 1706, Kimpa Vita et le père de son enfant, João Barro, sont brûlés vifs sur un bûcher dans la ville d’Evolulu.

Pedro Constantinho da Silva sera défait en 1709 par Pierre IV qui rétablit la royauté, et réunifie partiellement le royaume. Le mouvement de Kimpa Vita lui survit jusqu’au
XIXe siècle.

Liens utiles

Kimpa Vita, étoile révolutionnaire et « Jeanne d’Arc du Kongo »
Page Wikipédia de Kimpa Vita en anglais

5 commentaires sur “Kimpa Vita, prophétesse

Ajouter un commentaire

  1. Je me suis toujours demandé comment on peut être autant formaté idéologiquement, et plus je vous lis, plus je sombre dans le désespoir de ne plus revoir le jour où l’intelligence était maître…

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑