Annie Lee Wilkerson Cooper, militante au caractère bien trempé

Militante pour les droits civiques aux États-Unis, Annie Lee Wilkerson Cooper (1910 – 2010) s’engage pour le droit de vote des Afro-américain·es. Elle s’est notamment fait remarquer pour avoir décoché un coup de poing au shériff du comté de Dallas (Alabama).

Cette photographie en noir et blanc montre des citoyens noirs faisant la queue devant le palais de justice de Dallas pour s'inscrire sur les listes électorales, en 1963. On voit une douzaine de femmes et d'hommes debout, en file le long d'un bâtiment clair.
Citoyen·nes noir·es d’Alabama faisant la queue pour s’incrire sur les listes électorales – 1963 – John Kouns

Ségrégation raciale

Annie Lee Wilkerson naît le 2 juin 1910 à Selma (Alabama, États-Unis). Elle est l’une des dix enfants de Lucy Jones et de Charles Wilkerson Sr. Annie Lee grandit en pleine période de ségrégation raciale aux États-Unis.

L’esclavage est aboli depuis 1865 et le quinzième amendement de la Constitution des États-Unis, ratifié en 1870, permet théoriquement aux Afro-américains de voter. De nombreux États du sud rivalisent alors d’ingéniosité pour inventer des méthodes restreignant l’accès de la communauté noire aux scrutins. L’Alabama vote ainsi en 1901 une nouvelle constitution restreignant l’accès au vote avec des conditions de ressources et d’alphabétisation. La grande majorité des citoyens noirs, ainsi que de nombreux travailleurs blancs pauvres, perd le droit de vote. Annie Lee grandit sans même savoir que les Noir·es peuvent théoriquement voter.

À l’âge de 12 ou 13 ans, Annie Lee quitte l’école et déménage dans le Kentucky pour vivre avec une grande sœur. C’est là qu’elle voit pour la première fois des Noir·es voter. Ravie, elle souhaite voter elle-même mais est encore trop jeune pour le faire. Par la suite, elle parviendra à s’inscrire sur les listes électorales en Pennsylvanie et dans l’Ohio.

Renvoyée pour avoir voulu voter

On sait peu de choses de l’existence d’Annie Lee Wilkerson Cooper pendant la quarantaine d’années suivante, jusqu’à ce qu’elle retourne à Selma en 1962 pour prendre soin de sa mère âgée. S’installant durablement dans la ville, elle prend un emploi dans une maison de retraite. Après avoir voté précédemment, Annie Lee a bien l’intention de s’inscrire également sur les listes électorales à Selma, mais sa première tentative se solde par un échec ; le greffier l’informe qu’elle a échoué à l’examen. Bien décidée à voter, Annie Lee rejoint la Dallas County Voters League d’Amelia Boynton Robinson et le Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC), et réessaye à de nombreuses reprises. 

En octobre 1963, le SNCC appelle les citoyen·nes noir·es à se rassembler au palais de justice du comté de Dallas pour s’inscrire sur les listes électorales. Annie Lee Cooper fait partie d’une foule de quatre cents personnes, qui fait la queue pendant des heures devant le palais de justice dans l’espoir d’obtenir l’inscription tant attendue. La tentative se solde à nouveau par un échec, et n’est pas sans conséquences pour Annie Lee. Son employeur, M. Dunn, la surprend dans la foule avec une autre de ses employé·es, Elnora Collins. Non seulement il les renvoie toutes les deux, mais il s’arrange pour les empêcher de retrouver un emploi à Selma. Annie Lee finit par trouver un nouveau travail au Torch Motel.

« Personne n’a peur d’eux »

En 1965, Martin Luther King Jr et la Southern Christian Leadership Conference (SCLC) viennent à Selma et mettent en place des actions en faveur du droit de vote. À nouveau, une foule s’assemble devant le palais de justice du comté de Dallas pour s’inscrire sur les listes électorales ; Annie Lee Wilkerson Cooper ne manque pas au rendez-vous. Après des heures d’attente, le shériff opposé à la déségrégation Jim Clark ordonne à la foule de se disperser. Annie Lee déclare alors : « Nobody’s afraid of them » (personne n’a peur d’eux).

D’après Annie Lee, le shériff et ses adjoints brutalisent un homme qui refuse de bouger, et Jim Clark la frappe avec une matraque. Elle se retourne alors et décoche un crochet du droit en pleine mâchoire du shériff, qui s’effondre. La réaction de la police est immédiate : Annie Lee est jetée au sol et maîtrisée tandis que Jim Clark la roue de coups avec sa matraque. Le militant et homme politique John Lewis dira : « Clark whacked her so hard we could hear the sound several rows back. » (Clark l’a battue si violemment qu’on entendait le bruit plusieurs rangées derrière).

Annie Lee est arrêtée, accusée de « provocation criminelle » et conduite en prison où on la garde pendant onze heures. On finit par la relâcher, de crainte que le shériff Jim Clark revienne pour battre à nouveau cette femme de 54 ans. Pendant qu’elle est en prison, Martin Luther King commente les événements lors de son discours :

« This is what happened today: Mrs. Cooper was down in that line, and they haven’t told the press the truth about it. Mrs. Cooper wouldn’t have turned around and hit Sheriff Clark just to be hitting. And of course, as you know, we teach a philosophy of not retaliating and not hitting back, but the truth of the situation is that Mrs. Cooper, if she did anything, was provoked by Sheriff Clark.”
(Voilà ce qui s’est passé aujourd’hui: Mme Cooper était dans cette queue, et la vérité n’a pas été dite à la presse. Mme Cooper ne se serait pas retournée pour frapper le shérif Clark juste pour frapper. Comme vous le savez, nous avons pour philosophie de ne pas riposter, mais la vérité, c’est que Mme Cooper, si elle a fait quoi que ce soit, a été provoquée par le shérif Clark.)

Le Voting Rights Act

Après cette action et les marches de Selma à Montgomery, le Voting Rights Act, interdisant les discriminations raciales dans l’accès au vote, est adopté en août 1965 et signé par le président Lyndon B. Johnson. Annie Lee peut enfin s’inscrire sur les listes électorales de son État.

Annie Lee fête son centième anniversaire en juin 2010. Elle commente sa longévité en disant : « My mother lived to be 106, so maybe I can live that long, too. » (Ma mère a vécu jusqu’à 106 ans, peut-être que je pourrai vivre aussi longtemps moi aussi). Annie Lee Wilkerson Cooper meurt en novembre 2010.

Dans le film Selma réalisé par Ava DuVernay, revenant sur les marches de Selma à Montgomery, Oprah Winfrey joue le rôle d’Annie Lee. Elle dit avoir accepté le rôle « pour la magnificence d’Annie Lee Cooper et ce que son courage représentait pour un mouvement entier ».

Liens utiles

Seeing Selma : who is Annie Lee ?
Annie Lee Cooper, civil rights legend, dies
Annie Lee Cooper (anglais)
Page Wikipédia d’Annie Lee Cooper (anglais)

3 commentaires sur “Annie Lee Wilkerson Cooper, militante au caractère bien trempé

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  1. Un belle hommage aux femmes qui se sont battues pour les droits civiques aux prix du sang. Je leur dit merci de nous avoir ouvert la voie, être la tête de proue du féminisme: être une femme et noire. C’est aussi un combat universel pour toute les femmes à travers le monde qui ne veulent plus être traité comme des citoyennes de seconde zone. Le combat des femmes m’inspire, m’enrichit quelle que soit leur couleur de peau, leur religion. Unissons nous

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