Fatima Massaquoi, pionnière de l’éducation

Écrivaine et universitaire libérienne, Fatima Massaquoi-Fahnbulleh (1904 à 1912 – 1978) a contribué à développer la vie universitaire et à soutenir la culture au Liberia.

Fille de diplomate

Issue d’une famille royale, fille de Massa Balo Sonjo et du politicien et diplomate libérien Momolu Massaquoi, Fatima Beendu Sandimanni Massaquoi naît au début du XXe siècle – les sources indiquent généralement les dates de 1904 ou 1912 – et grandit à Njagbacca, au sud du Liberia. La fillette y est élevée par une tante pendant sept ans ; pendant cette période, l’une des épouses de son père la punit violemment pour un écart de conduite, lui blessant sévèrement les mains et lui causant une blessure qui marquera son enfance Après quoi Fatima s’installe dans le comté de Montserrado, au nord-ouest du pays, et y entre à l’école.

En 1922, Momolu Massaquoi est nommé consul général du Libéria en Allemagne, et déménage à Hambourg avec sa famille, dont Fatima, qui est son unique fille et son enfant préféré. Suivant son père, Fatima poursuit ses études en Allemagne et en Suisse, où elle apprend l’allemand, la biologie, la médecine. En 1937, elle est diplômée de l’Université de Hambourg. Fille de diplomate, Fatima a accès à une éducation de qualité et rencontre des personnes influentes, mais elle est malgré tout sujette au racisme, dans un Allemagne qui a perdu ses colonies à l’issue de la Première Guerre mondiale, et dont une partie de la population souhaiterait les reconquérir. Face à l’arrivée au pouvoir du parti nazi, elle revendique fièrement son identité africaine, sa langue (le vaï), ses vêtements traditionnels, ses coutumes et traditions.

Aux États-Unis

Face aux politiques racistes du Troisième Reich, Momolu Massaquoi craint pour la sécurité de sa fille, qui est opposée au nazisme comme l’un de ses meilleurs amis, Richard Heydorn, qui disparaitra sur les champs de bataille pendant la guerre. Pour la protéger, Momolu aide en 1937 sa fille à s’installer aux États-Unis. S’éloignant du nazisme, Fatima Massaquoi découvre la ségrégation raciale dans les États du Sud. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre ses études et d’obtenir des diplômes de sociologie et d’anthropologie au Lane College de Jackson (Tennessee) et à l’université Fisk à Nashville.

En 1938, Momolu Massaquoi meurt. Restée aux États-Unis, Fatima travaille auprès d’un de ses professeurs, le linguiste Mark Hanna Watkins à la création d’un dictionnaire Vai, et commence à enseigner le français et l’allemand à l’université Fisk. Elle donne également des cours de violon, dont elle joue depuis l’enfance, et de danses folkloriques africaines et européennes. En 1940, Fatima travaille à une autobiographie relatant sa vie au Liberia, en Allemagne et aux États-Unis. Un manuscrit qui sera par la suite au cœur d’une bataille juridique : lorsque Fatima le transmet à son professeur Mark Hanna Watkins, celui-ci lui indique dans un premier temps que l’anglais est trop pauvre pour permettre une publication, avant de prétendre que l’œuvre a été écrite sous son impulsion. Et quand l’écrivaine essaie de récupérer son œuvre, il refuse de la lui rendre.

Bien décidée à ne pas se laisser faire, Fatima intente un procès à l’Université. En 1945, elle obtient une injonction contre Watkins, le président de l’Université et l’Université Fisk, leur interdisant de publier ses travaux ou de recevoir des compensations financières pour ses œuvres. Elle en dira s’être sentie attaquée parce que, en tant qu’étrangère, on supposait qu’elle n’aurait pas la force de lutter pour ses droits. L’année suivante, elle complète son autobiographie, d’abord intitulée Bush to Boulevard: The Autobiography of a Vai Noblewoman (« de la brousse au boulevard, l’autobiographie d’une noble Vai).

Le retour au pays

Université du Liberia

Invitée par le président William Tubman pour contribuer à la création d’une université à Monrovia, Fatima Massaquoi retourne au Liberia en 1946, 24 ans après son départ. D’abord professeure de français et de sciences au Collège Liberia (qui deviendra université du Liberia en 1951), elle devient directrice (en 1956) puis doyenne (en 1960) de la Faculté des Arts libéraux de l’Université. Attachée à sa culture et à son identité, comme elle l’était toujours pendant ses séjours à l’étranger, Fatima encourage notamment ses élèves à ne pas occidentaliser leur nom, mais à garder sa forme traditionnelle. En 1948, elle épouse Ernest Freeman, qui reprend le nom Fahnbulleh, et accole son nom au sien pour devenir Fatima Massaquoi-Fahnbulleh. Elle porte toujours des tenues traditionnelles libériennes, même alors que ce n’est pas la mode.

Parmi d’autres actions en faveur de la transmission de la culture libérienne, Fatima participe à la fondation de la Société des auteurs libériens, fonde et dirige le futur Institut d’Études africaines de l’université du Liberia, promeut le système d’écriture syllabaire vaï, soutient et développe l’éducation au Liberia. Professeure douée maîtrisant au moins huit langues grâce à ses voyages, elle est dévouée à ses étudiants qu’elle écoute, oriente, assiste et parfois même soutient financièrement. Descendante de deux familles royales, figurant parmi les femmes les plus diplômées de sa génération, dotée d’un caractère fort et d’une langue acérée, Fatima bénéficie d’une certaine aura auprès de ses étudiants.

En 1963 – 1964, l’universitaire passe à nouveau six mois aux États-Unis pour visiter des départements de sociologie, d’anthropologie et d’études africaines, avant de rentrer au Liberia. En 1968, victime d’un AVC, elle doit limiter ses activités et prend sa retraite quelques années plus tard, en 1972 ; elle reçoit alors un doctorat honoris causa en humanités. Le président l’élève également au rang de grand commandeur de l’ordre de la Grande Étoile de l’Afrique.

Fatima Massaquoi-Fahnbulleh meurt en novembre 1978 à Monrovia. Après sa mort, certaines de ses œuvres, dont son autobiographie The Autobiography of an African Princess, préalablement microfilmées par sa fille, sont retrouvées, éditées et publiées. Son autobiographie, en particulier, est reconnue pour ses apports sur la culture, la linguistique ou encore l’histoire du Liberia.

Liens utiles

Fatima Massaquoi (anglais)
The autobiography of an african princess (anglais)
Page Wikipédia de Fatima Massaquoi

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