Anita Conti, océanographe pionnière

Pionnière de l’océanographie, Anita Conti (1899 – 1997) sillonne les océans pendant des décennies pour alerter sur les dangers de la surexploitation des ressources maritimes et promouvoir une pêche durable.

L’amour de l’océan

Photographie et noir et blanc d'Anita Conti vers 1935
Anita Conti vers 1935

Fille d’Alice Lebon et de Leven Caracotchian, un médecin d’origine arménienne, Anita Caracotchian naît le 17 mai 1899 à Ermont, dans le Val-d’Oise en Île-de-France. Elle grandit dans une famille aisée, à mi-chemin entre la région parisienne et la Bretagne. Déjà, sur les côtes, la fillette découvre et apprend à aimer l’océan. Mais c’est à partir de 1914, alors que la Première guerre mondiale éclate et que la famille Caracotchian part s’installer sur l’île d’Oléron, qu’Anita développe véritablement son amour du large.

« Si je n’étais pas portée par la mer, de temps en temps, je serais morte. », dira-t-elle plus tard. Sur l’île d’Oléron, Anita fréquente les enfants de pêcheurs et embarque parfois avec eux. Elle se lance dans la pratique de la voile, fascinée et passionnée par l’univers maritime. Une passion qu’elle gardera chevillée au corps jusqu’à ses derniers jours.

Début de carrière

Anita Caracotchian s’adonne également à la lecture – qui lui permet de s’instruire sur l’océan sous toutes ses facettes – et à la photographie. Après la guerre, elle s’installe à Paris en tant que relieuse d’art, mais sans perdre de vue ses premières amours : c’est par l’écriture et la photographie qu’elle garde un lien avec l’océan, en réalisant des reportages en textes et en images sur le quotidien des pêcheurs, pour la République. Son activité lui permet ainsi de continuer à passer beaucoup de temps sur des bateaux. En 1927, Anita épouse le diplomate Marcel Conti.

A force de naviguer, de lire et d’écrire, Anita Conti devient une véritable spécialiste du monde de la pêche. Lors de ses campagnes et excursions, elle dresse des cartes des zones de pêche et relève de nombreuses paramètres précis, tels que la température ou la salinité de l’eau. Ses articles lui vaudront finalement d’être repérée par l’Office scientifique et technique des pêches maritimes (aujourd’hui l’Ifremer) ; en 1934, elle y est engagée comme « responsable de la propagande ». En 1935, elle embarque à bord du Président Théodore Tissier, le premier navire océanographique français ; elle y est la première femme océanographe, et sillonne les mers avec son appareil photographique et ses carnets de mesure.

Engagée pour la protection de l’océan

Photo d'un coucher du soleil sur l'océan, avec des vagues et de l'écume © Sascha Thiele
© Sascha Thiele

Anita Conti travaille plusieurs années pour l’Office scientifique et technique des pêches maritimes. En 1939, elle embarque à bord du chalutier-morutier Viking, qui l’emmène vers les régions arctiques. À partir de ses voyages et de ses observations, l’océanographe dresse de premiers constats sur la fragilité des ressources maritimes et le danger de leur surexploitation. Attachée à montrer que ces ressources ne sont pas inépuisables, elle s’engage résolument pour des pratiques de pêche plus durables. Des positions résolument écologistes, qui ne sont pas monnaie courante à l’époque.

Au début de la Seconde guerre mondiale, Anita s’engage dans la Marine nationale – elle y est également la première femme. Elle embarque sur des dragueurs de mines, des bateaux qui réalisent des opérations de déminage dans la Manche et la mer du Nord. Mais dès 1941, elle retrouve le chemin des bateaux de pêche et part en direction de l’Afrique de l’Ouest.

En Afrique de l’Ouest

Au large des côtes africaines, Anita Conti passe ses premières années sur des chalutiers français, à observer les techniques de pêche, à dresser ses cartes de zones de pêche et à noter ses observations ; elle ne manque pas non plus de se pencher sur les méthodes de pêche locales. À partir de 1943, missionnée par le gouvernement d’Alger, elle sillonne les côtes de l’Afrique de l’Ouest au large de la Mauritanie, du Sénégal, de la Guinée ou de la Côte-d’Ivoire, pour dresser un bilan des ressources en poisson et développer la pêche traditionnelle. L’objectif est essentiellement un objectif de santé publique, pour améliorer l’accès à des sources de protéines pour les populations locales.

Dans ses missions, Anita continue à s’engager pour une pêche durable, et une amélioration des conditions de pêche en général, cherchant à concilier la protection des ressources maritimes avec le quotidien des travailleurs de la mer et la lutte contre la malnutrition. Elle fonde une entreprise en Guinée pour poursuivre ses missions, soutenir la pêche locale, améliorer les techniques de conservation… Elle passe une dizaine d’années en Afrique avant de revenir en France, à la suite de diverses difficultés.

Engagée jusqu’au bout

Dans les années 1950, Anita Conti publie ses premiers livres sur l’univers de la pêche et des océans, notamment Racleurs d’Océans en 1953 et Géants des mers chaudes en 1957. Elle publiera encore cinq autres livres par la suite, dont des ouvrages de poésie. C’est une autre de ses passions : entre deux observations, à bord d’un chalutier, face au large, elle écrit des lignes poétiques sur l’océan. En 1971, son ouvrage L’Océan, les bêtes et l’homme dresse un bilan de ses observations, de ses recherches, de ses constats sur les effets de la pêche sur les ressources maritimes. Photographe inlassable, elle produit également une œuvre immense de dizaines de milliers de photographies.

Âgée de plus de cinquante ans, Anita embarque encore ponctuellement sur des chalutiers, toujours aussi passionnée par l’océan et l’univers de la pêche, tout en se montrant très critique envers les mauvaises pratiques, et notamment la surpêche et le gaspillage. Elle milite ainsi pour le réemploi des poissons indésirables pêchés et rejetés morts à la mer, ou la mise en place de système de pêche sélectifs pour éviter ce gâchis. Anita s’intéresse également à l’aquaculture, et s’y essaie elle-même en élevant des poissons sur la côte adriatique et en Mer du Nord.

Anita Conti meurt à Douarnenez en décembre 1997 ; elle est âgée de 98 ans.

« Sur des flots immensément pareils et sans fin dissemblable, vers les horizons qui reculent, vers les étoiles qui vont naître, vers l’infini du bleu qui va noircir, un navire emporté jusqu’au bord du ciel, de ses parois de fer il déchire les eaux et moi, en lui, prisonnière. »

Liens utiles

Page Wikipédia d’Anita Conti
Anita Conti : sa vie
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