Réalisatrice soviétique, Larissa Chepitko (1938 – 1979) obtient la consécration avec son film L’Ascension. Malgré des œuvres censurées par les autorités soviétiques, elle s’impose comme cinéaste de grand talent.
Une famille séparée

Larissa Chepitko naît le 6 janvier 1938 à Artemovsk (aujourd’hui Bakhmout) en Ukraine. Les deux autres enfants de ses parents et elle sont élevés par sa mère, une institutrice ; Larissa n’est qu’une fillette lorsque son père quitte sa famille, divorce, puis part au combat lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate.
Plus tard, Larissa témoignera : « Mon père a combattu tout au long de la guerre. La guerre est l’un de mes plus puissants souvenirs précoces. Je me souviens du sentiment de la vie bouleversée, la famille séparée. Je me souviens de la faim et de la façon dont notre mère et nous, les trois enfants, avons été évacués. L’impression d’une calamité mondiale a certainement laissé une marque indélébile dans mon esprit d’enfant ».
Chaleur torride
En 1954, Larissa obtient son diplôme du secondaire. Âgée de 16 ans à peine, elle part s’installer à Moscou pour intégrer l’Institut du cinéma de Moscou. Elle y étudie pendant 18 mois auprès du cinéaste Alexandre Dovjenko ; un enseignement dont elle dira, par la suite : « Dovjenko nous enseignait à rester fidèles à nous-mêmes, à faire confiance à nos sentiments, à défendre nos conceptions. ».
Larissa étudie par la suite à l’Institut supérieur cinématographique d’État à Moscou, quelques années avant la cinéaste kirghize Dinara Assanova qui s’y formera également. En 1963, elle est diplômée avec son premier long métrage, Chaleur torride (Znoï), tourné aux studios Kirghizfilm. Le film s’inspire de la nouvelle L’Œil du chameau, écrite par l’écrivain soviétique Tchinguiz Aïtmatov. Kemel, jeune diplômé, part cultiver des terres dans des steppes isolées d’Asie centrale. Son premier film aborde déjà des thématiques liées à la solitude et à l’isolement, à l’image de celles que la cinéaste a vécu dans l’enfance. L’œuvre remporte plusieurs récompenses lors de festivals.
Pendant le montage de son film, Larissa est assistée par un autre élève de l’école, le cinéaste Elem Klimov. Ils se marient la même année et auront un fils, Anton, dix ans plus tard.
Censurée par les autorités
Dans Les Ailes, son second film paru en 1966, Larissa s’intéresse aux aviatrices soviétiques engagées dans l’Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale. Le personnage principal, Nadejda Petroukhina, est une ancienne aviatrice de guerre décorée, peinant à retrouver la vie civile, à communiquer avec sa fille et ses contemporains, et à réconcilier son passé avec son présent. À l’époque, le film soulève la controverse en montrant une fille en conflit avec sa mère, et une héroïne de guerre en âme perdue.
En 1967, elle tourne la deuxième partie d’une série réalisée par trois cinéastes, Le Début d’un siècle inconnu, dans le cadre du cinquantième anniversaire de la Révolution ; son volet, Le Pays de l’électricité, montre les difficultés d’un jeune ingénieur qui s’efforce d’apporter l’électricité dans un village rural pauvre. Jugeant sa vision de la Révolution trop négative, les autorités interdisent le film de Larissa. Il ne sera projeté que vingt ans plus tard, des années après la mort de la cinéaste.
En 1971, son seul film en couleurs Toi et moi s’intéresse aux destins de deux chirurgiens, dont l’un quitte tout pour aller s’installer en Sibérie. Critique du consumérisme, il reçoit un accueil favorable au festival international du film de Venise.
L’Ascension
Son dernier film, L’Ascension (1977), lui vaut la consécration. Adaptée d’un roman de Vassil Bykov, l’œuvre se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale et explore le destin de deux partisans soviétiques tombés aux mains des Allemands et devant affronter leur destin. D’après Larissa, son film « est un voyage spirituel vers l’humanité, vers l’avenir de l’être humain qui se cache dans ces deux personnages ». L’œuvre remporte un Ours d’or à la Berlinale 1977, et vaut son autrice une invitation à faire partie du jury de l’édition suivante. Larissa se révèle comme l’une des cinéastes les plus prometteuses de sa génération.
Elle n’aura pas l’occasion de produire de nouveau chef-d’œuvre. En 1979, alors qu’elle repère des lieux de tournage pour une adaptation du roman Les Adieux à Matiora de Valentin Raspoutine, Larissa Chepitko meurt dans un accident de voiture à 41 ans. C’est son mari Elem qui terminera le film ; l’année suivante, il réalise Larissa, une brève biographie de son épouse, cinéaste très talentueuse mais méconnue.
Liens utiles
Page Wikipédia de Larissa Cheptiko
Page Wikipédia de Larissa Cheptiko (anglais)
Larissa Cheptiko au Festival Lumière de Lyon 2015
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