Poétesse et comédienne française, Rosemonde Gérard (1866 – 1953) écrit poésies et pièces de théâtre saluées par l’Académie française. Elle mettra sa carrière en berne pour favoriser celle de son époux, le poète Edmond Rostand.
Une jeunesse baignée de poésie

Fille de Sylvie Perruche et de Louis Maurice Fortuné, comte Gérard, Louise-Rose-Étiennette Gérard naît à Paris le Étienne Maurice Gérard et de Rosemonde de Valence, dont elle utilisera le prénom comme nom d’artiste. Le poète Leconte de Lisle est son parrain.
Le père de Rosemonde meurt lorsqu’elle quatorze ans, et Alexandre Dumas fils devient son tuteur. Vivant avec sa mère à Paris, elle reçoit une éducation de qualité et fréquente les milieux littéraires. Rapidement, elle se lance à son tour dans l’écriture. En 1889, à vingt-trois ans, elle publie le recueil de poèmes Les Pipeaux, un ouvrage couronné du prix Archon-Despérouses de l’Académie française.
La Tendresse
Miraculeux printemps dont l’automne est si triste,
Le plus beau sentiment, non, ce n’est pas l’amour ;
Pas l’amour faible et fou, l’amour aveugle et sourd,
Fermant autour de lui sa guirlande égoïste.
Edmond Rostand
Lors d’un séjour dans le sud, Rosemonde Gérard et sa mère rencontrent dans un train Eugène Rostand, père d’Edmond Rostand, qui les invite à prendre le thé. En avril 1890, Rosemonde et Edmond se marient à Paris. Ils auront deux fils : Maurice Rostand et Jean Rostand. Unis par leur passion commune, les jeunes mariés s’inspirent l’un l’autre, et laissent notamment une correspondance passionnée. Rosemonde écrit pour Edmond le poème L’éternelle chanson ou Les vieux, avec ces deux célèbres vers :
Car, vois-tu, chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain.
Fascinée par le talent de son mari, Rosemonde met ses propres écrits entre parenthèse pour favoriser la carrière d’Edmond. Son fils Maurice dira plus tard : « Il lui semblait que le temps et l’attention qu’elle vouerait à son œuvre personnelle risqueraient de nuire à celle d’Edmond Rostand. »
À l’occasion, Rosemonde joue la comédie. Elle interprète notamment une fois le rôle de Roxane de Cyrano de Bergerac, avec Sarah Bernhardt en personnage principal.
Écrits et collaboration avec Maurice

Les relations entre Rosemonde Gérard et Edmond se dégradent progressivement et la séparation du couple est actée en 1911, bien qu’ils ne divorcent pas. Jean reste auprès de son mère, Maurice, le poète, avec sa mère. Rosemonde collabore avec son fils sur plusieurs œuvres, dont Un bon petit diable (une féerie en 3 actes d’après la comtesse de Ségur) en 1911 et La Marchande d’allumettes (un livret d’opéra-comique) en 1914. Elle écrit également sur ses souvenirs et sur son mari.
En 1926, Rosemonde remporte à nouveau le prix Archon-Despérouses de l’Académie française pour son recueil L’arc-en-ciel.
Instants
La même chose… car voici que chaque instant
N’est plus qu’un battement de tout mon cœur battant.
Il n’y a plus de jour, plus d’heure bleue ou grise ;
Il n’y a, tout le temps, sur mon cœur qui se brise,
Que des instants frappés du matin jusqu’au soir :
Instants presque de joie… presque de désespoir…
Instant presque mortel… instant presque suprême…
Ah ! je te remercie et je t’en veux !
Rosemonde est nommée chevalier de la Légion d’honneur en 1931. Elle meurt en juillet 1953 à Paris, quinze ans avant son fils Maurice avec qui elle est inhumée.
Un cœur et une chaumière
Que faut-il pour être heureux ?
Un cœur et une chaumière.
C’est ce que l’on fait de mieux
Dans les rêves de la terre.Les châteaux sont trop nombreux
Où l’on n’a que la misère ;
Que faut-il pour être heureux ?
Un cœur et une chaumière.Les mots sont plus amoureux
Quand le mur n’est pas de pierre ;
Tout le jour j’aurais tes yeux,
La nuit j’aurais tes paupières…Et, ne gardant au ciel bleu
Qu’une étoile pour lumière,
Nous n’aurions, pour tous les deux,
Qu’un cœur et qu’une chaumière ?
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Page Wikipédia de Rosemonde Gérard
Oeuvre de Rosemonde Gérard
Bonjour. J’approuve entièrement les commentaires ci-dessus. En créant une sorte de muse, censée remplacer Rosemonde, et en reléguant celle-ci à un rôle idiot et subalterne, Alexis Michalik pense avoir rendu le sujet plus romantique. Or, quoi de plus romantique que la rencontre de ces deux poètes, Edmond et Rosemonde, cette dernière consacrant toute son intelligence, toute sa force, tout son amour, tous ses talents, à aider et soutenir son mari ? Dans la biographie que j’ai écrite « Edmond Rostand, les couleurs du panache » (Atlantica), je remets un peu les choses à leur place, en décrivant largement la présence primordiale et indispensable de Rosemonde auprès de son mari.
Petite coquille : « Jean reste auprès de son mère ».
Sinon, ce blog est très intéressant, félicitations pour tout ce travail !
En ce qui concerne Edmond, c’est vrai que je n’ai pas compris pourquoi le talent de Rosemonde n’était même pas évoquée… Et de façon plus générale, même si dans l’ensemble j’aime beaucoup l’œuvre de Michalik, je trouve que le fait qu’il s’agisse d’une fiction inspirée par l’histoire d’Edmond Rostand, et pas de la véritable histoire de la création de la pièce, aurait dû être explicitement indiqué. Enfin, c’est malheureusement le problème de beaucoup de films présentés comme historiques…
A propos du film et de la pièce EDMOND,
Hier soir, comme plusieurs d’entre vous, je suis allée voire film Edmond. J’avoue avoir trouvé dans un premier temps une bonne partie du film plaisante, même si l’acteur qui joue Edmond me semble absolument inconsistant.
Mais LE PROBLEME est tout autre. Le film et la pièce d’Alexis Michalyk réécrivez totalement l’histoire de Rosemonde, lui donne un statut banal de « mère de famille au foyer», médiocre et jalouse.
Je tiens don à vous remercier de votre travail, à vous faire partager mon indignation, et analyser plus clairement la posture d’Alexis Michalyk (l’imposture !) , qui réécrit l’histoire pour la plus grande gloire de son héros et des sexistes de tout bord, et remettre les mères là d’où elles n’auraient jamais du sortir (la cuisine et la chambre). Et c’est pourtant cette Rosemonde là, écrivaine, poète, dramaturge, féministe, membre du Prix Fémina, qu’Apollinaire appelait « la Rose du Monde ».
Merci pour votre message que j’approuve à 100%… A vrai dire, c’est précisément après avoir vu la pièce que j’ai écrit cet article ! Moi aussi, j’ai aimé la pièce dans l’ensemble mais les personnages féminins et celui de Rosemonde en particulier me gênaient par leur caractère stéréotypé. Quand j’ai découvert que Rosemonde Gérard était en réalité une poétesse de talent, la réécriture de son personnage m’a écoeurée. C’est donc avec plaisir que j’apporte ma petite pierre à l’édifice pour contribuer à la réhabiliter !