Madam C.J. Walker, la femme d’affaires partie de rien

Fille d’esclaves devenue femme d’affaires à succès, Madam C.J. Walker (1867 – 1919) est la première femme américaine à devenir millionnaire par elle-même, et met sa fortune au service de la défense des droits des Afro-américain-es.

Une courte enfance

Cette photographie en noir et blanc est un portrait de Madam CJ Walker, pris entre 1905 et 1914. Elle est de profil, tournée vers la droite. Ses cheveux sont soigneusement retenus en arrière. Elle porte un vêtement blanc, un collier et des boucles d'oreille, et sourit à demi.

Sarah Breedlove, qui sera connue sous le nom de Madam C.J. Walker, naît le 23 décembre 1867 dans le village de Delta, en Louisiane aux États-Unis. Cinquième enfant de Minerva et Owen Anderson, elle est la première de la famille à naître libre. Anciens esclaves, ses parents étaient en effet exploités dans les champs de coton d’un riche planteur jusqu’à l’abolition réelle de l’esclavage deux ans plus tôt. Libres, mais très pauvres, Minerva et Owen travaillent comme métayers dans des champs de coton.

La vie n’accorde qu’une brève enfance à Sarah, qui doit très tôt apprendre à se débrouiller par elle-même. Elle reçoit peu d’éducation ; à cinq ans, elle rejoint sa famille dans les champs de coton. Sa mère Minerva meurt en 1872, probablement du choléra ; son père se remarie mais décède à son tour peu de temps après, et Sarah devient orpheline à l’âge de sept ans. Elle part alors vivre avec sa sœur aînée Louvenia et son mari Jesse Powell à Vicksburg dans le Mississipi, où elle prend un emploi de domestique.

“I had little or no opportunity when I started out in life, having been left an orphan and being without mother or father since I was seven years of age,” (J’ai eu peu ou pas d’opportunités en démarrant dans la vie, puisque j’ai été orpheline, sans mère ni père, à sept ans).

Jeune veuve

Le beau-frère de Sarah, Jesse, est un homme brutal et, pour lui échapper, Sarah se marie à quatorze ans avec Moses McWilliams, un ouvrier. Les deux auront une fille deux ans plus tard : Lelia, qui sera connue sous le nom de A’Lelia Walker. Moses meurt quatre ans plus tard. Sarah n’a alors que vingt ans, et elle est une jeune veuve avec une fillette en bas âge à charge. Dans cette nouvelle épreuve, qui n’est pas la première qu’elle traverse, Sarah fait preuve d’une détermination qui caractérisera toute son existence. Avec Lelia, elle part s’installer à Saint-Louis dans le Missouri, où elle rejoint ses frères Alexander, James et Solomon. Elle y prend un emploi de blanchisseuse, travaillant très dur et gagnant peu d’argent.

À Saint-Louis, Sarah fréquente l’église méthodiste St Paul, où elle côtoie la communauté noire locale, dont des membres de la bourgeoisie. Déterminée à offrir une vraie éducation à sa fille, elle qui n’y a pas eu accès, elle commence à suivre des cours du soir pour pallier ce manque. Par la suite, Sarah se remarie avec John Davis en 1894, mais elle le quitte en 1903.

Les soins capillaires

Comme beaucoup de femmes de son époque, Sarah souffre de problèmes capillaires et dermatologiques dus à de multiples facteurs : mauvaise alimentation, difficultés d’accès à une hygiène régulière dues à l’absence d’eau courante, maladies ou encore utilisation de produits d’hygiène agressifs causent diverses affections, dont des pellicules et la chute des cheveux.

Désireuse de remédier à ce problème, Sarah s’initie d’abord aux soins capillaires auprès de ses frères, qui sont devenus barbiers. Par la suite, elle travaille pour Annie Malone, entrepreneuse afro-américaine, en vendant ses produits de soins capillaires destinés aux femmes noires. En parallèle, Sarah travaille sur son propre produit et met au point un soin permettant d’arrêter la chute de ses cheveux et de favoriser leur repousse.

Avec sa fille A’Lelia, désormais âgée de vingt ans, Sarah s’installe à Denver dans le Colorado où elle développe sa propre gamme et sa propre entreprise de soins capillaires. Un conflit l’opposera alors à Annie Malone, devenue sa rivale, qui l’accuse d’avoir volé sa formule.

Madam

Cette photographie montre l'emballage d'un produit de la Madam CJ Walker Company. L'emballage orange montre un portrait de Madam CJ Walker, le nom de la compagnie et la mention "Wonderful Hair Grower"

En 1906, Sarah épouse Charles Walker, un journaliste  dont elle divorce six ans plus tard mais dont sa fille et elle gardent le nom. Elle devient alors connue comme « Madam C.J. Walker », Madam faisant référence à l’industrie française de la beauté. Son entreprise prend le nom de Madam C.J. Walker Manufacturing Company.

Madam C.J. Walker vend d’abord ses produits au porte à porte, avec l’aide de son mari qui la conseille sur le volet promotion de son entreprise. Petit à petit, comme son affaire se professionnalise et rencontre un succès grandissant, elle passe la main à sa fille pour la vente des produits tandis qu’elle voyage au sein des États-Unis pour développer son activité. En 1908, son mari et elle déménagent à Pittsburgh, et y ouvrent un salon de beauté et une école de coiffure.

Pour vendre ses produits, Sarah recrute et forme des femmes noires comme agents de vente agréés. En développant son commerce, elle soutient également l’émancipation économique des femmes et leur ouvre d’autres oportunités de travail. Comme son affaire prospère, ce sont des milliers de femmes qui revêtent l’uniforme blanc et noir de la Madam C.J. Walker Company pour en vendre les produits. En 1917, la compagnie revendique ainsi la formation de près de 20 000 femmes.

Une femme d’affaires engagée

En 1910, Madam C.J. Walker installe le siège de son entreprise à Indianapolis, où elle établit une usine, un salon de coiffure, une école et un laboratoire. Elle réunit autour d’elle une équipe pour gérer l’entreprise en croissance constante, et place de nombreuses femmes à des postes stratégiques. Accroissant sa richesse et sa notoriété, Sarah exprime de plus en plus ses opinions politiques, et soutient les causes qui lui tiennent à cœur, défense des droits des femmes et des Afro-américain-es, en particulier à travers des donations.

Sarah, qui n’a pas eu l’opportunité de bénéficier d’une éducation mais a veillé à en offrir une à sa fille, soutient ainsi à travers des donations des écoles, universités et instituts pour Afro-américain-es. En 1917, elle rejoint le comité exécutif de la section new-yorkaise de la National Association for the Advancement of Coloured People (NAACP), à qui elle fait des donations. Elle contribue ainsi financièrement à la préservation de la maison du célèbre militant anti-esclavage Frederick Douglass. En 1919, Sarah offre 5 000 dollars (l’équivalent d’environ 78 000 dollars en 2019) en soutien à une campagne contre le lynchage de la NAACP ; elle s’était déjà engagée contre les lynchages deux ans plus tôt, en se rendant à la Maison Blanche avec des leaders du mouvement des droits civiques pour réclamer au président Woodrow Wilson une législation contre ces crimes. Elle fait aussi des donations à des orphelinats. Proche de militant tels que Mary McLeod Bethune et W. E. B. Du Bois, elle donne également des conférences.

Madam C.J. Walker meurt en mai 1919, à l’âge de 51 ans. Son patrimoine est alors estimé entre un demi million et un million de dollars, faisant d’elle la femme afro-américaine la plus riche aux Etats-Unis. De cette fortune, elle avait indiqué : « she said herself two years ago [in 1917] that she was not yet a millionaire, but hoped to be some time, not that she wanted the money for herself, but for the good she could do with it. » (elle avait dit deux ans plus tôt qu’elle n’était pas encore millionnaire mais qu’elle espérait l’être un jour, non pas qu’elle voulait l’argent pour elle mais pour le bien qu’elle pouvait faire avec). Après la mort de sa mère, A’Lelia Walker lui succède à la tête de la Madam C. J. Walker Manufacturing Company.

Liens utiles

Page wikipédia de Madam C.J. Walker (anglais)
Le rêve de C.J. Walker
Life and Work of Madam Walker

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